CONVENTIONS MARITIMES D’ORGANISMES AUTRES QUE L’OMI
Dans la première partie, nous avons introduit les principales conventions de l’OMI d’intérêt immédiat pour le secteur maritime d’Haïti. Cette deuxième partie sera consacrée à des conventions d’autres organismes internationaux, touchant des enjeux liés, même indirectement, au développement maritime durable.
L’OMI existe pour assurer que la navigation soit sécuritaire, hautement standardisée, et exercée avec une empreinte écologique responsable. Mais par-delà la sécurité maritime et la protection de l’environnement, l’usage durable de la mer repose sur une cohabitation pacifique des nations qui la partagent. La mer a construit des richesses autant qu’elle en a englouti. Par ses courants ont voyagé l’opulence des denrées, mais aussi le ravage des typhons et le feu des armées. Ses étendues, fascinantes au poète et à l’aventurier, ont aussi déraciné des esclaves entassés dans une cale. Le développement maritime responsable doit donc inévitablement adresser des vices et des enjeux socio-politiques qui, comme pour toute activité humaine, menacent de parasiter ses bienfaits. C’est là, dans la relation de l’homme à la mer, et dans le rapport de l’homme à lui-même autour de la mer que deux conventions cardinales tirent leur raison d’être. Il s’agit de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (UNCLOS)1 et la Convention de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) sur le travail Maritime, MLC 20062.
L’ONU et la Convention de Montego Bay (1982)
La Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer ou Convention de Montego Bay, adoptée en 1982, est l’instrument central du droit maritime international. Elle établit les bases des relations entre nations par rapport à leurs frontières maritimes, les droits et devoirs des États, et le devoir de tous envers l’immense étendue de la haute mer ainsi que La Zone, héritage commun de l’humanité.3 Elle réglemente par là aussi l’exploitation des ressources vivantes et minérales de la mer, des fonds et sous-sols marins, et constitue le fondement des réclamations maritimes de toutes les nations, qu’elles soient côtières ou non, sur des principes de négociation pacifique, de justice et d’équité.
Parmi les prescriptions de cette convention, les États jouissent du droit de réclamation de plusieurs zones de juridiction maritime en fonction de la distance à leur ligne côtière. Sur ces différentes laisses de mer, l’État côtier jouit respectivement de droits de souveraineté (Mer territoriale), de fiscalisation (Zone contiguë) et d’exploitation économique exclusive, y compris pour la pêche (Zone Économique Exclusive et Plateau Continental).4
La délimitation maritime entre États contigus est résolue à travers des accords bilatéraux ou multilatéraux, et les litiges soumis au Tribunal International du Droit de la Mer5 ou à l’Autorité Internationale des Fonds Marins (ISA).6
UNCLOS est entrée en vigueur en 1994, un an après sa ratification par le 60e Etat, la Guyane.
L’OIT et la Convention sur le Travail Maritime (MLC 2006)
Les conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT)7 donnent corps à des principes péremptoires du travail comme le droit à la liberté de réunion, le droit des travailleurs aux négociations collectives, l’abolition du travail forcé, celle du travail des enfants et l’égalité des conditions.8 En 2018, Ces conventions s’élevaient au nombre de 189.
Les trois premières conventions sur le travail maritime ont été adoptées dès 1920.9 En tout, un corpus de 36 conventions maritimes s’est retrouvé consolidé dans l’instrument qui constitue aujourd’hui le cœur de la réglementation du travail en mer: La Convention de 2006 sur le Travail Maritime [MLC, 2006].
La Convention de 2006 réglemente des enjeux tels que les exigences minimales de travail (âge, certificat médical, formation, recrutement), la rétribution du travail à bord (salaires, heures de travail et de repos, rapatriement etc.), les conditions de vie à bord ainsi que la responsabilité des armateurs face à la santé et la sécurité sociale des marins. De plus, elle établit la responsabilité des États pour assurer la conformité sur les navires battant leur pavillon et sur les navires visitant leurs ports.10
MLC 2006 est entrée en vigueur en 2013. À ce jour, elle a été ratifiée par 96 pays, représentant un total de 91% de la flotte mondiale. Elle a depuis été amendée par les protocoles de 2014, 2016 et 2018.11
Autres Conventions d’intérêt maritime
D’autres conventions jouent aujourd’hui un rôle primordial dans la préservation de l’environnement et des écosystèmes marins. Citons entre-autres la convention de Bâle,12 le Code de Conduite de la FAO, et la convention CITES contre le trafic des espèces menacées d’extinction.
La Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières des déchets toxiques et leur élimination est née en réaction aux exportations grandissantes de déchets toxiques des pays riches vers les pays en voie de développement au début des années 80. La découverte de plusieurs dépôts de déchets industriels potentiellement dangereux sur les côtes africaines et d’autres pays sous-développés, dont Haïti avec l’épisode médiatisé du navire à vidanges Khian Sea, ont révélé le besoin urgent de réglementation.
Adoptée en 1989, la Convention de Bâle introduit l’interdiction de toute exportation de déchets sans consentement préalable en connaissance de cause du pays receveur et de tout pays de transit. Il met aussi l’accent sur la gestion rationnelle des déchets de la source jusqu’à leur élimination.
Adopté par la FAO en 1995, le Code de Conduite pour une Pêche Responsable est un recueil de principes, d’objectifs et d’éléments d’action destinés à servir de guide pour la pêche et l’aquaculture durables. L’adhésion des membres de la FAO à ce code est facultative, cependant. Un autre développement normatif de la FAO fait suite à ce code. Il s’agit de l’Accord relatif aux Mesures du ressort de l’Etat du Port, le premier accord international contraignant ciblant la pêche illicite, non-déclarée et non-réglementée (Pêche INN).13 Cette convention prescrit aux états du port, une série de mesures visant à interdire l’entrée à leurs ports des navires pratiquant la pêche INN. Par ces mesures, elle entrave ainsi la mise en marché de ces produits et contribue à une pêche durable à l’échelle mondiale. Elle a été adoptée en 2005, et est entrée en vigueur en 2016.
En relation avec la pêche durable et la protection des écosystèmes marins, s’inscrit aussi la convention CITES, ou Convention contre le Commerce International des Espèces de Faune et de Flore Sauvages Menacées d’Extinction.14 Par cette convention se retrouvent protégées certaines espèces, comme les dauphins, le strombe géant (lambi), les baleines et les tortues marines, toutes présentes dans les écosystèmes marins d’Haïti.
Il nous faut établir une réserve avant d’étudier le statut d’Haïti sur cette mosaïque de réglementation maritime. Même animée de bonne volonté, cette étude ne fait que creuser la surface d’un monde de réglementation étendu, dynamique et qui se développe encore aujourd’hui autour d’enjeux majeurs du moment. Limitation des gaz à effets de serre, virage maritime vers des sources combustible plus propres, cybersécurité des réseaux maritimes et portuaires, tous sont touchés par des développements encore en cours. Cependant, les conventions mentionnées plus haut contribueront grandement à guider Haïti vers une position internationale solide pour affronter les enjeux domestiques du secteur maritime.
Haïti. Où en est-on ?
C’est à l’été 2017 que fut transmis au parlement haïtien le Projet de Loi portant Code Maritime et de Navigation.15 Conjoncture politique oblige, ce code n’a pas été promulgué à ce jour. Par contre, ce document offre dans son préambule une vue exhaustive sur les conventions internationales ratifiées par Haïti:16
- Convention des Nations Unies sur la Prévention de la Pollution des Mers résultant de l’Immersion de Déchets (LC 1972), ratifiée le 28 août 1975;
- Convention Internationale en Matière de Transport par Mer, sanctionnée par le décret du 23 janvier 198717
- Convention Internationale de 1966 sur les Lignes de Charge (LL), ratifiée le 6 avril 1989;
- Convention des Nations Unies portant sur les Conditions d’Immatriculation des Navires, ratifiée le 17 mai 198918
- Convention Internationale de 1969 sur le Jaugeage des Navires (Tonnage), ratifiée le 6 avril 1989;
- Convention Internationale de 1974 pour la Sauvegarde de la Vie Humaine en Mer (SOLAS 74), ratifiée le 6 avril 1989;
- Convention Internationale de 1978 sur les Normes de Formation des Gens de Mer, de Délivrance de Brevets et de Veille (STCW 78), ratifiée le 6 avril 1989;
- Convention de Montego Bay du 10 décembre 1982 sur le Droit de la Mer (UNCLOS), ratifiée le 31 juillet 1996.
À celles-ci il faut ajouter la Convention de Bâle, dont Haïti a été membre fondateur en 1989.
Par rapport à la Convention de Montego Bay, deux accords de délimitation maritime ont été célébrés par Haïti:19
- L’Accord signé à la Havane le 27 Octobre 1977 entre la République d’Haïti et la République de Cuba sur la délimitation des frontières maritimes, sanctionné par le décret 4 novembre 1977;
- L’Accord signé à Port-au-Prince le 17 Février 1978 entre la République d’Haïti et la Colombie sur la délimitation des frontières maritimes (Traité Liévano-Brutus), sanctionné par le décret du 21 février 1978;
Les observations suivantes tiennent lieu de conclusion :
1 Que par une ratification, un état adhérent s’engage à se soumettre aux dispositions d’une convention, est un fait consacré. Cependant, l’application interne de cette convention requiert de mécanismes clairs, soit par sa reconnaissance explicite, ou son introduction à la législation nationale par des instruments appropriés: lois, loi organique ou règlement. À ce jour, ces instruments ne semblent pas exister pour les conventions maritimes ratifiées par Haïti.
2 Les Conventions SOLAS 74 et STCW 78 ratifiées par Haïti sont déjà dépassées de plusieurs amendements. Pour SOLAS par exemple, ceux de 88, 2008 et 2020; et STCW, par le protocole de 1995, et récemment celui de Manille, en 2010. De plus, à ce jour, Haïti n’a ratifié aucune annexe de la convention MARPOL, qui est pourtant une des conventions cadre de l’OMI, et qui serait, par ses exigences sur la prévention de la contamination par les navires, essentielle à cet État côtier.
3 Si bien les frontières maritimes avec Cuba et la Colombie ont été déterminées par les deux accords mentionnés plus haut, des accords de délimitation maritime sont aussi nécessaires avec la Jamaïque, les Bahamas, la Grande Bretagne (Iles Turks and Caïcos), et bien sûr, le voisin le plus évident, la République Dominicaine.
Les enjeux autour de la délimitation de ces frontières pour la souveraineté et la prospérité d’Haïti, y compris pour le développement de la pêche, seront analysés dans une prochaine publication.