Haïti et la Législation Maritime Internationale. Où en est-on?

1ère Partie: CONVENTIONS DE L’OMI

En 1953, l’adhésion d’Haïti à l’Organisation Maritime Internationale présageait un engagement certain vers le développement maritime. La Convention de l’OMI adoptée en 1948 n’était pas encore entrée en vigueur. Seulement onze pays dont Les Etats-Unis, la France, les Pays-Bas et l’Australie l’avaient alors ratifiée. L’adhésion d’Haïti était, pour l’Organisation Consultative Maritime Intergouvernementale (OCMI), comme elle s’appelait alors, l’une des 21 ratifications qui lui ont permis d’éclore en 1958.1

Cet enthousiasme initial peut difficilement se transposer à l’image actuelle du secteur maritime d’Haïti. Fi des industries navales inexistantes, les navires battant pavillon national, comptés, précaires et à peine à flot, sont étrangers à tout standard de sécurité maritime; leurs victimes, dans les dernières décennies, se comptent d’ailleurs par milliers.2 Les ports opèrent bien en-deçà des standards régionaux de sécurité, de sûreté et d’efficacité;3 la participation aux organismes maritimes régionaux ou mondiaux est faite avec parcimonie, et la pêche, essentiellement de subsistance, reste confinée à deux lieues de la côte. Quelque part dans le temps, l’élan vers la mise en valeur de la mer a été amputé, et avec lui, celui de l’adoption des standards maritimes internationaux qui devaient servir d’assise au développement.

Quelles conventions maritimes internationales ont été ratifiées par Haïti? Lesquelles représenteraient un atout certain pour toute prétention de développement maritime? Cet article tentera d’approcher ces questions. Bien sûr, vu la pléthore de conventions existantes, il ne sera pas question ici de les développer, sinon de survoler les plus importantes et faire mention des autres traités en vigueur. L’idée est qu’à l’autre bout de l’étude, le lecteur puisse situer Haïti, le travail accompli et les défis à relever, par rapport à la réglementation maritime.

Conventions de l’OMI: les trois piliers

Navigation plus sécuritaire, prévention de la contamination et formation professionnelle

Une navigation plus sécuritaire et des océans plus propres: c’est la devise de l’OMI, l’esprit de son mandat établi dans la Convention de 1948. Celui-ci repose sur trois piliers: la sécurité de la navigation, la prévention de la contamination et l’adoption de standards techniques élevés relatifs à l’industrie maritime.

La première convention adoptée par l’OMI après sa fondation fut la convention SOLAS, ou Convention Internationale pour la Sauvegarde de la Vie Humaine en Mer. C’est la pierre angulaire de la sécurité maritime. Historiquement, la première version de SOLAS date de 1914, et fut adoptée en réaction au naufrage du Titanic en 1912.4

Les amendements subséquents ont conduit à la version actuelle, SOLAS 1974, révisée par les nombreux amendements et protocoles qui l’ont suivie. C’est cette convention qui établit, entre autres, les standards de construction, d’équipement et d’opération des navires, la protection contre incendies, les dispositifs de sauvetage et la sécurité de la navigation. Parmi les récentes modifications significatives de la Convention SOLAS figure, post 11 septembre 2001, l’adoption du code PBIP, ou Code pour la Protection des Bâtiments et des Installations Portuaires.

Le naufrage du Titanic. Gravure par Willy Stower. Source: https://en.wikipedia.org/wiki/Sinking_of_the_Titanic

Sous le régime SOLAS, la conformité des bâtiments aux standards de sécurité incombe à l’administration maritime de leur pays d’enregistrement (l’État du Pavillon). Par contre, pour habiliter le respect des standards entre différents pays, tout État-membre jouit du droit d’inspecter les navires étrangers qui arrivent à ses ports et de pénaliser leurs non-conformités, ce qu’on connait comme les Inspections de l’Etat du Port.5 Différents États du Port d’une même région peuvent aussi se fédérer pour partager les observations sur chaque navire, de façon à imposer la conformité à un niveau régional. Ce mécanisme est connu comme les Protocoles d’Entente, ou MoU.6

MARPOL: Convention Internationale pour la Prévention de la contamination par les Navires

Une autre convention balise de l’OMI est la Convention Internationale pour la Prévention de la Contamination par les Navires, ou MARPOL, avec ses protocoles de 1973 et 1978. Cette convention vise la protection de l’environnement marin contre les agents de pollution résultant soit des opérations de routine ou des accidents des navires. Pollution par les hydrocarbures, par les substances chimiques nocives transportées en vrac, les substances transportées en paquets, les eaux usées, les déchets solides, ou même les gaz toxiques et à effet de serres: chaque agent polluant occupe l’une des six annexes de cette convention.

Standards de construction, d’équipement et de protection de l’environnement ne peuvent être atteints sans une attention minutieuse au maillon le plus important de la sécurité maritime: le facteur humain. 75 à 96% des accidents maritimes remontent à l’erreur humaine.7

La Convention Internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille, ou STCW8 telle qu’adoptée en 1978 et amendé en 1995 établit les standards correspondants. Par cette convention, et le Code STCW, se trouvent définies les différentes fonctions sur un navire: capitaine, officiers de pont et mécaniciens, marins et hommes de roue etc. C’est la convention qui institue les seuils de formation pour chaque fonction ainsi que les horaires et obligations de veille.

STCW: Convention Internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille

La dernière modification substantielle de STCW remonte à 2010, et est connue comme les amendements de Manille, la capitale des Philippines où ceux-ci ont été adoptés.9 Cette série d’amendements réglemente notamment les heures de repos à bord, la reconduction des brevets et la formation en sûreté maritime.

Autres conventions de l’OMI

Comme un trépied qui soutient le mandat d’une navigation plus sécuritaire et des océans plus propres, SOLAS, MARPOL et STCW constituent les conventions porteuses de l’OMI, la sainte trinité de la navigation durable. Autour de ces conventions, renforçant leurs dispositions et les étendant à des enjeux plus spécifiques, foisonne un écosystème d’instruments, conventions, codes, règlements et protocoles.

COLREG,10 adoptée en 1972, établit les règles de navigation et de signalisation entre navires pour éviter les abordages. C’est le code de la route pour les bateaux, qu’ils soient commerciaux, de pêche ou de plaisance.

La Convention sur le Jaugeage des Navires (Tonnage 1969) codifie la mesure de la capacité des navires, alors que la Convention des Lignes de Charge (Load Lines 1966) avec son protocole de 1988 établit les limites de chargement saisonnières pour des régions ou zones de chargement.

La convention pour la Répression des Actes Illicites contre la Sécurité de la Navigation (SUA 1988) aide à prévenir les actes de piraterie tels que la saisie de navires par la force et les voies de fait contre personnes à bord etc.

En tout, à date, c’est un corpus de près de 60 conventions avec leurs protocoles, amendements et codes, qui constitue le cadre normatif maritime établi par l’OMI.11

Citons entre autres:

Conventions OMI
Conventions de l’OMI. Source: www.imo.org
  • Convention Internationale sur la Recherche et Sauvetage, SAR 1979
  • Convention pour la Prévention de la Pollution des Mers résultant de l’Immersion de Déchets, Londres, 1972, et son protocole de 1996
  • Convention sur les normes de formation du personnel des navires de pêche, de délivrance des brevets et de veille, STCW-F 1995
  • Convention Internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, 1969
  • Le Code International sur la Gestion de la Securite ou ISM Code.
  • Convention Internationale de 1990 sur la Préparation, la Lutte et la Coopération en matière de pollution par les hydrocarbures (OPRC 1990)

Pour une liste exhaustive des conventions de l’OMI et du statut de leur ratification par pays, cliquer ici.

La 2eme partie de cet article explorera les conventions d’organismes internationaux autres que l’OMI, mais portant sur des enjeux majeurs comme les frontières maritimes, le travail maritime ainsi que protection des écosystèmes marins.

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