Deuxième partie: Fonctionnement et facteurs incitatifs
Dans la première partie de ce post, nous avons parcouru les origines historiques du programme des obligations d’Israël. Considérant son immense succès comme véhicule de financement de l’État d’Israël, cette deuxième partie étudiera son fonctionnement, ainsi que les facteurs incitatifs qui ont assuré la résilience de ce programme.
Des bases solides
Israel Bonds n’est pas une institution gouvernementale. Elle est enregistrée comme une corporation et joue le rôle de courtier de valeurs financières pour le compte exclusif de l’État d’Israël.1 Tous les ans, le Ministère des Finances fixe la politique de financement du développement et les taux d’intérêt de la dette, dont une partie sera ensuite émise sous forme d’obligations.
Le rôle clair joué par Israel Bonds, ainsi que les progrès continus en matière de règlementation financière et de reddition de comptes ont été salués par l’accession de ce pays à l’OCDE en 2010. Le pays a aussi accédé à la Convention de l’OCDE contre la Corruption d’Agents Publics Étrangers2 ainsi que la Convention des Nations Unies contre la corruption.3
Ketkar et Ratha4 ont établi qu’un droit des contrats fort et transparent est un facteur vital au succès des obligations de la diaspora. La stabilité politique et l’absence de convulsions sociales jouent aussi un rôle dominant. Bien que le conflit persistant avec ses voisins arabes n’ait pas compromis les obligations d’Israël, il n’en est pas moins un facteur de risque. Le sont tout autant les récents scandales de corruption politique qui ont ébranlé le gouvernement. Alors que les obligations atteignent des ventes record quand le pays souffre de menaces exogènes comme en cas de guerre, elles tendent à chuter quand les crises sont d’origine interne, comme le sont les scandales de corruption.
Des produits variés
Israel Bonds a maintenu une offre d’obligations flexibles depuis 1951 dans le souci de nourrir l’engagement de plusieurs secteurs de sa diaspora: investisseurs individuels ou institutionnels: fonds mutuels, banques, synagogues et autres organismes. La souscription aux obligations varie de $100 jusqu’à $100,000.
La maturité et le rendement présentent aussi la même diversité. Depuis les termes de 10 ou 15 ans à des taux fixes comme ceux des Obligations de l’Indépendance, plusieurs émissions ont suivi, comme le sont les Obligations Bar Mitzvah, les Obligations Mazel-Tov, Jubilé et Maccabées. Celles-ci présentent un éventail de termes allant de 2 à 10 ans, avec des taux fixes ou flottants indexés au marché.5
Un rabais patriotique?
Un des facteurs du succès des obligations est leur capacité d’interpeler la fibre patriotique chez la diaspora. Dans le cas juif, la création de l’État d’Israël représentait le début de l’aboutissement d’un rêve millénaire, agité par le mouvement sioniste de la fin du 19e siècle et, d’une façon plus brutale, par les plaies encore béantes de la guerre.
En général, la diaspora nourrit le rêve de voir les conditions de vie s’améliorer dans leur terre natale, et se mobilise quand se présente l’occasion d’y contribuer. Cette inclinaison patriotique explique en partie pourquoi n’a pas chuté en temps de tumultes, où en général l’accès au marché de la dette serait inaccessible. Cela explique aussi le succès de ces obligations même quand le taux de rendement est moindre que celui d’autres obligations sur le marché. C’est ce que certains appellent un rabais patriotique.6 Les obligations d’Israël ont offert 4% jusqu’aux années 80, alors que les Obligations du Trésor Américain (US Treasury Bonds) avoisinaient 6.8% sur la même période.
L’appel à cette fibre patriotique expliquerait aussi pourquoi les obligations de la diaspora sont plus populaires entre les immigrants de première génération. Ceux-ci maintiennent un lien plus viscéral envers leur pays d’origine que celui de leurs enfants, nés dans leur pays d’accueil. L’exemple cité plus-haut arrive encore en renfort. Dans les années 80, avec le vieillissement de la génération de juifs ayant vécu de près ou de loin les horreurs de l’holocauste, il a fallu élever le rendement des Obligations d’Israël à un taux proche du marché pour continuer d’enticher des nouvelles crues d’investisseurs.
Confiance, crédit et ouverture au marché
Les sept décennies de succès des Obligations d’Israël sont consolidées par le fait que le pays n’a jamais connu de défaut souverain, ni pour le paiement du capital, ni pour celui les intérêts. Cet historique de fiabilité est fondamental pour attirer les investisseurs, ceux de la diaspora y compris, même quand ces obligations ne sont pas soumises à l’évaluation des agences de cotation de crédit comme Standard & Poor’s ou Moody’s.
Pour certains, un sens de devoir moral expliquerait en partie le succès des obligations de la diaspora. La diaspora serait prête à engager des capitaux dans leur pays, même quand un retour sur investissement serait incertain. Néanmoins tout projet durable d’émissions obligataires exige qu’un historique de confiance dans ces instruments soit établi. Le retour sur l’investissement est sacré. Inversement, à mesure que les premières obligations livrent des résultats probants, qu’elles répondent à temps à leurs engagements de paiement, elles acquièrent plus de traction aux yeux des investisseurs.
La confiance dans les obligations est aussi favorisée par la transparence. Grace à son enregistrement à la Securities and Exchange Commission (SEC) aux USA et à l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) au Canada, Israel Bonds est assujettie aux standards draconiens de publication trimestrielle de ses résultats financiers. A son tour, cette reddition de comptes périodique et contraignante impose la responsabilité financière et fiscale.
Proximité avec la communauté
En tout dernier lieu, la présence des institutions financières locales dans les pays de destination constitue un atout des obligations de la diaspora.7 Pari réussi pour Israel Bonds qui a établi son siège à New York, lieu d’une des plus importantes communautés de la diaspora juive. Un essaim de volontaires assure un lien efficace avec les communautés, alors que le support d’icônes israéliennes de tous les domaines fournit une publicité engageante.8
Aujourd’hui, cette organisation s’est mise au pas de l’ère digitale pour simplifier l’achat des obligations, que ce soit pour un portefeuille d’investissement, une donation ou un cadeau à des proches, directement à partir de son site web ou de son application pour téléphones intelligents.9
La troisième et dernière partie de cette série offrira une brève analyse des opportunités et obstacles d’Haïti pour l’adoption d’un programme similaire à Israel Bonds.